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12 – Rio -> Paris
This is my site Written by admin on 26 août 2017 – 16 h 05 min

Rentrer de Rio à Paris, c’est en soi une petite aventure. C’est changer d’hémisphère, de continent, de saison. C’est aussi une petite pointe d’appréhension. Rio -> Paris, c’est dans l’imaginaire des Français ce vol Air France 447 tristement célèbre pour s’être abîmé en mer le 31 mai 2009. Le bilan avait alors été de 228 morts, lançant une polémique sur la fiabilité des fameuses sondes « Pitot » qui équipaient la plupart des avions. Certes, en raison de mon billet « tour du monde », je devais rentrer non pas avec un vol Rio -> Paris d’Air France, mais avec un Rio -> Londres de British Airways, mais connaissant l’état des avions de la compagnie de Sa Gracieuse Majesté, ça ne me rassurait pas beaucoup plus…

De plus, la zone de l’accident de l’AF 447 n’était pas vraiment due au hasard. L’avion avait en effet décroché près du fameux « Pot au noir », bien connu des marins pour ces basses pressions et ses conditions extrêmes. Dès lors, et même si je n’étais pas franchement inquiet sur la sécurité du vol, ce trajet n’était pas tout à fait comme les autres.

Par ailleurs, Rio->Paris, c’est également un choc thermique et psychologique. Quitter le Brésil pour l’Europe, c’est aussi accepter la fin des vacances pour retrouver la vraie vie et ses contraintes. Quitter Rio pour Paris en décembre, c’est aussi passer de températures dépassant 30°C à un froid approchant les 0°C. Ce changement de climat est l’une des jérémiades préférées du Parisien qui revient de vacances (« dire que j’étais encore en maillot il y a 2 jours… »), mais pour moi cela risquait d’être bien pire encore. En effet, en cette fin décembre 2009, l’Europe grelottait tellement que les transports en étaient perturbés. Les -10°C à Londres engendraient un chaos indescriptibles dans les aéroports. Le Terminal 5 d’Heathrow ressemblait à un camp de réfugiés où les voyageurs campaient dans l’espoir de rentrer chez eux pour les fêtes. Bien entendu, c’est à cet endroit que je devais avoir ma correspondance pour rentrer sur Paris depuis Rio, et mon retour était désormais fortement compromis…

Quelques coups de fil plus tard (mon agence de voyage était débordée), je compris que, curieusement, mon Rio->Londres était en théorie maintenu, mais que mon Londres->Paris était lui annulé. Ainsi donc, sur les 16 vols de mon tour du monde, dont les improbables Riga->Tachkent et Tachkent->Dehli de nuit et avec Uzbekistan Airways, le seul qui ait posé problème fut le Londres->Paris prévu à 15h avec British Airways… J’avais donc le choix entre rester au chaud à Rio, ou partir affronter l’enfer d’Heathrow et tenter de sauver mon Noël en France. Comprenant cela, et imaginant (à raison) que les Eurostars seraient complets, je me ruai sur la dernière solution que j’avais en tête : les bus d’Eurolines. Par chance, l’un des tout derniers billets qui restaient collait avec mes horaires, et je l’achetai donc en ligne depuis Rio.

Pour rejoindre l’aéroport, je pris une grosse avance pour être prioritaire en cas de problème. Mal m’en a pris… Près de 4h avant le décollage (prévu vers minuit), l’avion était déjà annoncé avec du retard, et cela ne faisait que commencer. Après des heures d’attentes et un flot d’informations contradictoires, on nous annonça que l’avion venu de Londres avait pris la foudre (!), mais qu’il ne fallait pas s’inquiéter. Un petit mouvement de panique des passagers plus tard, on nous annonça qu’une pièce avait été abimée par la foudre, et qu’ils étaient en train de la réparer. Encore plus tard, on nous annonça que la pièce était plus endommagée que prévu, et qu’un ingénieur allait devoir la réparer en visioconférence depuis Londres. Malgré toute mon envie de rentrer à la maison, je me demandai vraiment s’il fallait que je monte dans cet avion, surtout pour traverser le Pot au noir. Malgré tout, au milieu de la nuit, l’avion fini par décoller. L’Europe me tendait les bras.

A mon arrivée à Londres, après un vol finalement normal, tout était comme je l’avais imaginé. L’aéroport était chaotique mais pas impraticable, et les voyageurs étaient relativement disciplinés.

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Après plusieurs tentatives, je fini par réussir à imprimer mon billet d’Eurolines, et je pris le métro vers le centre de Londres. Le froid était mordant, d’autant que j’étais désormais habitué à 35° de plus, et que je n’étais pas équipé pour.

J’avais en effet abandonné toutes mes affaires chaudes en Inde, et je ne me réchauffais qu’avec une superposition de T-shirts. Je n’avais pas de gants, et mes mains engourdies commençaient à saigner à cause de la tige cassée me permettant de traîner mon sac. Il était grand temps d’arriver… Néanmoins, je retrouvais pour la première fois depuis longtemps une ville familière, Londres, et un peuple que j’aime autant que j’aime les détester, les Anglais. J’étais heureux, et je souriais en marchant. Après quelques heures au chaud au McDo et un tour à l’agence Eurolines, je suis arrivé à la gare routière.

Je me rendis alors compte à quel point les autres moyens de transports devaient être paralysés. Flairant la bonne affaire, Eurolines avait fortement augmenté son offre, et chaque bus était plein à craquer. Des milliers de personnes inondaient les salles d’attente, se bousculant dans une cohue inimaginable. Beaucoup avaient l’air épuisés et désespérés de pouvoir rentrer chez eux. De plus, il nous fallait à nouveau rejoindre une queue interminable pour obtenir un nouveau « boarding pass » avant de pouvoir monter à bord. Suite à un flot d’informations contradictoires du personnel, je finis par obtenir le précieux sésame avant de… me rendre compte que j’avais perdu mon sac à dos. Plus exactement, j’avais oublié mon petit sac (pas le gros) au début de l’une des innombrables queues où j’avais été brinqueballé, et celui-ci avait depuis disparu. Ainsi, moi l’étourdi qui n’avait rien perdu ni oublié (à part quelques babioles) depuis le début de mon voyage, j’avais perdu mon ordinateur, mon appareil photo, et toutes mes affaires précieuses au dernier moment… Heureusement, mon sac avait été récupéré par un employé, et j’ai pu le retrouver juste avant le départ. Ouf ! J’étais surtout soulagé de ne pas avoir à choisir entre prendre le seul bus restant pour la France, ou bien rester à chercher mon sac un peu plus dans cette marée humaine.

Une fois le bus parti, un grand stress disparu, mais un autre commença. Les routes n’allaient pas être bloquées par le verglas ? La tempête prévue allait-elle empêcher les ferrys de naviguer ? Et surtout, à quelle heure allais-je arriver à Paris ? En effet, pour minimiser mes chances de rater le bus Eurolines en cas de retard de mon vol Rio -> Londres, j’avais pris un bus s’arrêtant quelques heures à Douvres en plein milieu de la nuit, et n’arrivant à Paris qu’à 7h le lendemain matin. Or, je voulais vraiment arriver avant 11h du matin (l’heure du départ de mon tour du monde), et ce pour ne pas faire passer à mon voyage le cap des 81 jours, où le titre de ce livre allait tomber caduc. Enfin, j’avais la crainte de ne pas arriver du tout à Paris en ce 23 décembre 2009, et de rester coincé au Royaume-Uni pour les fêtes. Pas vraiment réjouissant…

Néanmoins, tout ceci n’était rien à côté de ce que vivais ma voisine de bus. Celle-ci était une Moldave (!) dont les parents avaient immigré en Espagne quand elle était encore enfant. Partie faire ses études à Londres, elle avait passé des heures à l’aéroport à attendre vainement un avion avant de se rabattre sur le bus. Pour elle, Paris n’était donc qu’une étape, et elle devait ensuite rejoindre Barcelone puis l’Andalousie… Tout cela d’ailleurs avec un passeport moldave aux couleurs criardes, que les douaniers ont observé suspicieusement de longues minutes avant de la laisser passer. Et toujours en bus, bien évidemment !

Nous avons discuté pendant les quelques heures jusqu’à Douvres, puis lors de l’attente au port. Nous devions en effet attendre de minuit à 2h du matin pour pouvoir embarquer, et la salle d’attente était glauque à souhait. Tous les magasins étaient fermés, et seuls quelques distributeurs automatiques nous ont permis de manger un peu. Au bout de quelques temps, je fus pris d’un fou rire devant le côté improbable de la situation. Je sortais de 3 mois de tour du monde, j’avais une énorme barbe, les cheveux hirsutes, et j’étais coincé dans un dépôt miteux de Douvres à parler en espagnol avec une Moldave. La vie réserve parfois de vraies surprises…

Finalement, nous pûmes embarquer, et le navire commença à fendre la mer. Enfin, plus exactement à affronter une Mer du Nord déchaînée par les vents violents, qui faisaient fortement tanguer le bateau. Au bout de 30mn, ce qui devait arriver arriva. Une première personne commença à vomir, puis l’odeur en fit vomir une autre, et ainsi de suite. En tout, des dizaines et des dizaines de personnes ont été « malades » lors de la traversée, transformant le voyage en un vrai supplice. Et une lutte de tous les instants pour ne pas y passer moi-même. Enfin, le bateau arriva à Calais vers 4h du matin, et une grande joie m’envahit. J’étais de retour en France, de retour chez moi…

Je me souvins alors de ces grands moments de bonheur lorsque l’Eurostar sortait du tunnel plus de 10 ans auparavant. Lorsque je revenais passer un week-end à Paris durant ma période à TASIS, le lycée américain près de Londres où j’avais passé un an en 1998-1999, j’avais pris l’habitude de crier intérieurement « Champions du Monde !! » en voyant la France arriver. Certes, la France n’est plus championne de rien depuis longtemps, mais l’émotion était la même. La France était là, elle était belle avec ses grands champs blancs recouverts de neige, et rien ne pouvait plus m’arriver.

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L’excitation a eu beau m’empêcher de dormir jusqu’à Paris (ma deuxième nuit blanche d’affilée après celle de l’avion), je sentais que tout se finirait bien. Le bus arriva avec une petite demi-heure de retard, et j’ai pu utiliser ma carte bleue pour acheter des tickets de bus sans crainte d’être assassiné par les commissions. Par chance, la gare routière internationale se situe à Gallieni, au terminus de la ligne 3, et le trajet jusqu’à la station Villiers était donc direct. J’avais réussi mon pari, il était 8h15 et j’étais devant l’immeuble de ma destination finale. Sauf que… le code avait changé !

On se calme, j’étais juste en T-shirt sous la neige à vérifier si je n’avais pas le nouveau code quelque part. Echec. 5mn plus tard, je passe au plan B. J’allume mon ordinateur (dans la rue), et je cherche un numéro dans un obscur fichier Excel. Je finis par le trouver, et là… une opératrice me répond que le numéro de mon correspondant n’était plus attribué. Heureusement, sur le coup de 8h30, une personne sort de l’immeuble. Je pose donc ma valise, je monte les escaliers, et… cette fois-ci j’y suis. Home sweet home…

Chabal

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