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12.3 – Brésil – Itaipù & le développement durable
This is my site Written by admin on 26 août 2017 – 15 h 40 min

Une fois les chutes visitées, direction le barrage d’Itaipù. Tous ceux qui me connaissent savent en effet que j’adore visiter des infrastructures de cette taille. Tout petit déjà, je passais mon temps à construire des routes, des ponts, etc. Par la suite, j’ai eu la chance de travailler en financement de projet, sur des gros projets d’infrastructures comme des autoroutes, des zoos, et… des barrages. Certes, les barrages et les stations hydroélectriques sur l’Aisne et la Meuse que j’avais contribué (à mon échelle) à faire sortir de l’eau étaient infiniment plus petits, mais les enjeux restent les mêmes, tout comme le plaisir des yeux.

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Vous n’en avez sans doute jamais entendu parler, mais le barrage d’Itaipù est tout simplement le plus gros du monde. Deuxième derrière le barrage des 3 Gorges en Chine en termes de capacité maximale installée, Itaipù est en revanche numéro 1 en termes de quantité cumulée d’énergie produite. Véritable monstre de technologie et de béton, le barrage s’étend sur 7km de long et 200m de hauteur. Le volume de terre et de roche extrait pour la construction du barrage est 8 fois plus important que celui extrait lors de la construction du tunnel sous la Manche. Il fallait bien ça pour domestiquer le fleuve Paraná, troisième réseau hydrographique du monde, après ceux de l’Amazone et du Mississippi. Pour moi, c’était encore plus intéressant et impressionnant que les chutes d’Iguaçu. Si les chutes représentaient la force de la nature et notre petitesse face à ces éléments, le barrage représente pour moi ce que l’homme peut accomplir lorsqu’il met son intelligence et son sens du collectif au service d’une cause.

Alors, bien sur, une œuvre titanesque comme celle-ci comporte un petit côté apprenti sorcier, et il est certain que les « dommages collatéraux » de ce barrage ont été substantiels. Du point de vue écologique, une surface de presque 1 500 km2 de forêt et terres agricole fut inondée, entraînant la disparition de certaines espèces animales et végétales endémiques. De plus, la création du barrage a conduit à l’engloutissement de la Cascade des Sept Chutes, à l’époque les plus importantes chutes d’eau du monde en volume. Au niveau social, l’installation de la centrale a engendré le déplacement de plus de 40 000 personnes, principalement des paysans vivant le long du fleuve. Lors de notre visite, le petit film explicatif sur le barrage ne mentionne d’ailleurs aucun de ces problèmes, comme ci le sujet était trop délicat à aborder.

Pourtant, malgré les immenses problèmes créés par le barrage, je pense personnellement que le jeu en valait la chandelle, car les avantages d’un tel barrage sont eux aussi réels. En 2008, la production d’électricité d’Itaipù atteint le niveau record de 100 TWh, fournissant à la fois 90% de l’électricité du Paraguay et 20% de celle du Brésil. A une autre échelle, cette production équivaut à 25% de la consommation annuelle de toute la France, soit 13 centrales nucléaires, près de 1 000 éoliennes, ou 150 millions de baril de pétrole. Et ce de façon parfaitement renouvelable et contrôlée. De plus, le barrage a forcé le Brésil et le Paraguay (pas vraiment les meilleurs amis du monde) à coopérer depuis des décennies. D’ailleurs, si l’accord initial était largement en faveur du Brésil, celui-ci a été récemment modifié pour le rendre plus équitable vis-à-vis du Paraguay.

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Malgré cela, le Brésil connaît aujourd’hui exactement les mêmes débats fiévreux autour d’un autre barrage à Belo Monte. Situé en Amazonie, celui-ci doit être le 3ème plus puissant du monde (juste derrière Itaipù), et permettre d’alimenter 20 millions de foyers tout en créant des milliers d’emplois. Malgré 1,2 milliards de dollars prévus pour compenser les impacts négatifs du projet, les recours en justice se multiplient et les travaux sont fréquemment bloqués en raison des problèmes sociaux et écologiques engendrés.

Malgré tout, les installations produisant de l’électricité étant toutes décriées, même lorsqu’il s’agit d’électricité renouvelable, l’hydroélectricité reste l’une des technologies les plus propres et les moins impactantes sur l’environnement qui soit. La production d’énergie via des ressources fossiles (pétrole, gaz, charbon, etc.) pollue gravement et n’est pas tenable à terme. La production d’électricité nucléaire reste tributaire de ressources fossiles. Ses risques cachés sont très importants, de la gestion des déchets radioactifs aux risques d’accidents, sans même parler des risques d’attentats et « d’hiver nucléaire » en cas de problème.

Restent donc les énergies renouvelables, mais qui sont elles-mêmes controversées. Les éoliennes défigurent le paysage et font parfois du bruit, les panneaux photovoltaïques nécessitent beaucoup d’eau et de métaux précieux (or, etc.), les biocarburants consomment des ressources alimentaires, et les centrales hydroélectriques ont un impact sur l’écosystème et sur les habitants. Une fois cela dit, il est clair que la plus « verte » des électricités est celle que l’on ne dépense pas, et qui soulage la planète d’autant. Mais pour tirer l’ensemble de l’humanité hors de la pauvreté, une forte production d’électricité bon marché est vitale. De même, pour sauver la planète du désastre écologique qui s’annonce (j’ai écris ces lignes depuis mon bureau à l’ADEME !), tous les types d’énergies renouvelables doivent être encouragés. Plus tard peut être de nouveaux procédés, comme la fusion, nous permettrons de produire une énergie propre, abondante, et bon marché. En attendant, nous n’avons donc pas le choix, et les méga-barrages comme celui d’Itaipù ou de Bello Monte sont un moindre mal.

Je garde d’ailleurs un excellent souvenir de ma visite à Itaipù, d’autant plus que lors de notre passage les vannes étaient ouvertes, et des geysers de plusieurs dizaines de mètres de haut jaillissaient du barrage. De même, nous avons pu emprunter la route qui longe le sommet du barrage, avec d’un côté de l’eau à perte de vue, et de l’autre 200m de vide. Magique.

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Le soir, il était temps de quitter les merveilles de la jungle pour retrouver la vraie vie. Après avoir une nouvelle fois couru après mon bus (on m’avait indiqué la mauvaise gare routière), je partis donc vers la plus grande ville de l’hémisphère sud, São Paulo.

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