Pour aller de Sydney à Melbourne, j’avais le choix entre un bus direct, ou un voyage organisé. Après réflexion, la deuxième solution m’a parue la plus avantageuse, car elle me permettait de voir ce qu’était l’Australie profonde, ces animaux et ses immenses territoires quasi vides de toute présence humaine. Comme tout en Australie, ces 3 jours m’ont paru très chers (plus de 400$), mais je ne l’ai vraiment pas regretté. D’une part, si le parcours imposait de passer une grande partie de son temps dans le bus, cela m’a permis de voir un maximum de choses en 3 jours. D’autre part, le groupe de touristes sur lequel je suis tombé était très sympa. Certes, il était très hétérogène, et comprenait entre autres une vieille allemande râleuse et ingérable, mais le reste des 14 membres étaient très sympa et j’ai passé de supers moments avec eux. Enfin, notre chauffeur / guide / homme à tout faire a passé son temps à nous faire des blagues, à nous expliquer tout ce qu’on voulait, et connaissait tous les bons coins pour s’arrêter. Que du bonheur!
La première étape de notre voyage était Canberra. En effet, contrairement à ce que beaucoup croient, Sydney n’est pas la capitale de l’Australie, même si elle a été la première ville construite par les Européens, et qu’elle est encore aujourd’hui la plus grande ville du pays. L’histoire de Canberra est d’ailleurs très intéressante, et se confond avec l’histoire du pays. Pour bien comprendre les enjeux, il faut savoir que jusqu’au début du XXème siècle l’Australie n’était pas un pays, ni même une colonie britannique unique. En effet, en raison de l’immensité des distances (surtout avec les transports de l’époque), et de la très faible population entre les villes, l’île-continent était divisé en 7 colonies complètement indépendantes les unes des autres. En 1901, ces colonies décidèrent de s’unir, et il fallu déterminer la capitale de cette nouvelle fédération. Et là, si les discussions avaient été rudes pour arriver à la création d’un seul pays, la violence des débats pour déterminer qui de Sydney ou de Melbourne allait l’emporter prit des proportions invraisemblables. De guerre lasse, un compromis fut trouvé quelques années plus tard, prévoyant qu’une nouvelle capitale serait construite de toutes pièces entre les 2 villes. Pour compenser le fait que le site était plus proche de Sydney (280km) que de Melbourne (650km), Melbourne fut déclarée capitale provisoire du pays jusqu’à ce que la construction de Canberra soit achevée.
L’une des conséquences principales de ce deal est que Canberra est située en rase campagne. En effet, de par l’obligation d’être située sur l’autoroute Sydney-Melbourne, la ville est située loin de la mer (150km). Cela peut paraître trivial, mais en Australie c’est normalement rédhibitoire: en dehors de Canberra, la plus grande ville non-côtière d’Australie (Toowoomba), n’est qu’en 15ème position des agglomérations les plus peuplées du pays! C’est donc en plein milieu de rien qu’a été construit sur plusieurs décennies une ville sur plan, quadrillée comme une ville à l’américaine, et dotée de toutes les fonctions du pouvoir fédéral. D’ailleurs, presque tout le monde, Australiens comme étrangers, m’avaient fortement déconseillé d’aller visiter Canberra, arguant que la ville n’avait aucun intérêt. Pourtant, en arrivant sur le promontoire dominant cette curiosité urbaine, j’ai su que je ne m’étais pas trompé en venant jusque là. Tout d’abord, le cadre naturel est assez mignon, entre un lac, une rivière, des petites collines, etc. Ensuite, le centre de la ville proprement dite est un peu éloigné des principaux centres de pouvoir, ce qui fait qu’on peut admirer les bâtiments officiels sans être gêné par les quelques gratte-ciels de la ville. La principale attraction est ainsi le parlement, sorte d’immense bâtiment tout plat assez bien mis en valeur par des jeux de reliefs et de verdure. Juste en face de lui se trouve d’ailleurs une immense pelouse possédant une fonction bien précise: c’est uniquement ici que les citoyens voulant manifester dans Canberra peuvent se retrouver pour protester contre la politique du gouvernement. Ce grand espace, parfois rempli à ras bord par plusieurs centaines de milliers de personnes, était ce jour-là quasi vide. Un seul citoyen mécontent s’y trouvait en effet, avec une pancarte minuscule. Dans cette immense pelouse, cela faisait vraiment ridicule…
L’un des avantages du parlement Australien est que l’on peut y entrer tous les jours de l’année, y compris lorsqu’une session est en cours. C’était d’ailleurs le cas ce jour là, et j’ai pu assister à un débat technique sur un projet de loi rectificatif sur l’allocation des fonds dédiés à l’éducation. Publics ou pas, il semble que ces débats soient aussi soporifiques en Australie qu’en France… et que l’absentéisme des députés y soit encore plus développé! En effet, le député de la majorité défendant le texte était tout seul de son côté de l’hémicycle, et le député qui l’écoutait en face était également le seul à représenter l’opposition. Le plus drôle est qu’à la fin de son discours, le député de la majorité à quitté l’hémicycle, laissant le député de l’opposition répondre dans le vide! Et après on s’étonne que la politique ne passionne pas les foules… A la sortie de la séance, nous avons reçu un petit cours sur la symbolique Australienne. Comme la plupart des pays neufs, l’Australie s’est construite à ses débuts un nombre incalculable de symboles, mascottes et autres blasons sensés représenter le pays. Ainsi, le nom de Canberra vient d’un mot aborigène signifiant « point de rencontre », et la mosaïque posée sur le sol à l’entrée du parlement représente cet point de rendez vous de tout le pays. De même, sont représentés sur le blason de l’Australie deux des animaux les plus emblématiques du pays, un kangourou (connu dans le monde entier), et un émou, un oiseau endémique ressemblant à une petite autruche. Une mise en scène assez classique somme toute, si ce n’est que les fondateurs y ont rajouté une signification cachée: ces 2 animaux ont la particularité d’être incapables de marcher à reculons. Cela représente ici le fait que l’Australie est un pays qui regarde toujours vers l’avant, un pays progressiste. Lorsque l’on sait à quel point la société Australienne a pu être conservatrice jusqu’à un passé récent, une telle comparaison ne manque pas de sel… Pour terminer sur la symbolique, le guide nous a fait monter sur le toit du parlement afin d’admirer la curieuse structure à 4 pieds supportant un immense drapeau Australien de plus de 80m de haut. Encore une fois la symbolique nous a rattrapé: le fait que des visiteurs puissent se rendre sur le toit du parlement est sensé représenté le fait que le peuple sera toujours au dessus des députés qui siègent en dessous…
Après cette orgie de symbole, nous avons rapidement visité la « vraie » ville. Pas grand chose à signaler sur l’architecture, etc., mais sociologiquement la ville est vraiment intéressante. En effet, l’écrasante majorité des habitants sont employés par l’état fédéral, une agence gouvernementale, ou une société à leur service. Du coup, tout le monde se ballade dans la rue avec un badge de sécurité permettant de rentrer au bureau! Et quelque chose me dit que cela doit être un peu étouffant de vivre dans une ville où les bars sont peuplés à 90% de fonctionnaires, et où on est quasi sur de croiser des collègues ou futurs collègues! Il était donc temps de refermer la parenthèse Canberra, et de partir découvrir les merveilles que la nature a offert à l’Australie.