A l’arrivée à Bali, notre le contact a été assez éloigné de l’ambiance « paradis sur terre » si souvent décrite. Il faut dire que l’hôtel était juste à côté d’une rangée de bars fréquentés par une horde d’Australiens bruyants et alcoolisés… Le lendemain, départ vers le « pied de Bali », à savoir Ulu Wuatu sur la péninsule située à l’extrême sud de l’île. Cette fois, le lieu a tenu toutes ses promesses! Nichée au cœur des falaises attendait en effet une plage de carte postale, avec son sable blanc, ses vagues puissantes et son soleil généreux. Un parfait endroit pour se poser et profiter de la mer à 27°!
Deux jours plus tard, direction Ubud, au centre de l’île, pour découvrir les atouts de la campagne balinaise. Le cottage où nous logions était un vrai régal, avec ses délicieuses séances de massages, sa piscine-lagon et son jardin bio. Juste à côté, se trouvait la forêt des singes, remplie de primates rigolos mais assez agressifs, que les touristes russes et japonais nourrissaient de bananes achetées aux gardes. Un peu plus loin, et après avoir loué un scooter pour nous balader autour du village, nous nous sommes enfoncés dans les rizières pour y trouver un resto bio délicieux. Et ce, juste après s’être ravitaillé au Starbucks du village! Mondialisation quand tu nous tiens…
Il faut dire que Bali est un endroit extrêmement particulier. Aujourd’hui, l’île est l’un des endroits les plus ouverts et les plus développés de l’Indonésie, et ce en très grande partie grâce au tourisme. Les Australiens en ont fait une quasi colonie, les Américains l’adorent (surtout depuis Mange, Prie, Aime), et les Européens en parlent des étoiles pleins les yeux. Certes, entre ses plages paradisiaques, son climat équatorial, ses campagnes et ses montagnes, Bali ne manquent pas d’atouts. Pourtant, la nature a également été très généreuse avec les autres îles de la région, sans que le tourisme de masse ne s’y soit encore développé. Alors, pourquoi Bali plutôt qu’ailleurs?
La réponse est une fois de plus à aller chercher du côté des hommes. Qui dit tourisme dit souvent, on l’a vu avec les bars remplis d’Australiens, alcool, musique forte et comportements « limites ». Sans même aller jusque là, qui dit touristes occidentaux dit simplement piscine, plage, et maillots de bain. Or, toute la région, de l’Indonésie à la Malaisie, en passant par le sud de la Thaïlande et des Philippines, est de religion musulmane. Dès lors, il est facile d’imaginer les difficultés de cohabitation entre les voiles islamiques et les bikinis, ou entre les mosquées et les cocktails Vodka-Red Bull… Et c’est là que Bali joue de sa différence. L’île est en effet majoritairement de religion hindouiste, et ses habitants sont beaucoup plus enclins à accepter les excentricités des touristes. L’alcool est autorisé, tout comme les tenues légères, et les festivités régulièrement organisées par les Balinais à grand renfort de fleurs et de chants sont délicieusement exotiques pour la plupart des touristes.
Pourquoi de telles différences culturelles et religieuses entre Bali et le reste du pays? Il faut savoir que les grandes religions ont été amenées dans la région par les marchands Indiens. L’hindouisme y a d’abord été très répandu, puis les Indiens y ont amené l’Islam. Petit à petit, les royaumes musulmans ont grignoté les royaumes hindous, jusqu’à contrôler la quasi totalité de l’Indonésie. Lors de l’effondrement d’un puissant royaume situé à Java, cependant, le roi s’enfuit en emmenant le minimum avec lui. C’est ainsi que débarquèrent à Bali (situé juste à l’est de Java – cf. carte) tous les nobles du royaume, ainsi que les prêtres hindous et les artistes. Un mélange détonnant, dont Bali tire ses spécificités encore aujourd’hui.
Attention cependant à ne pas sombrer dans l’angélisme. Si Bali est connu pour son atmosphère sereine et ses policiers qui portent des fleurs dans les cheveux, la rumeur selon laquelle Bali n’a jamais connu de guerre ni de violence est complètement infondée. Au contraire, les tensions ne sont jamais loin, et remontent périodiquement à la surface. A la suite d’une tentative de coup d’état des communistes pendant la guerre froide, l’armée indonésienne aurait massacré jusqu’à 100 000 personnes sur l’île. En 2002, deux explosions terroristes attribuées à des extrémistes musulmans ont causé la mort de plus de 200 personnes, en majorité des touristes, tandis qu’en 2005 une autre série d’attentats ont coûté la vie à près de 30 personnes. Enfin, plus récemment, des manifestations auraient eu lieu contre l’arrivée massive dans l’île de travailleurs venus des autres îles d’Indonésie. La violence n’est jamais loin au paradis…
De façon beaucoup moins visible, les rapports entre Balinais ne sont pas non plus dépourvus de tension. D’une part, le système des castes hérité des Hindous est l’un des plus complexes au monde. Le nombre de castes, sous castes, etc. est incalculable, si bien que chacun est dès la naissance enfermé dans un clan. Difficile dès lors de choisir librement ses amis, ses ennemis, son conjoint, etc. De même, si l’une des grandes forces des Balinais est leur capacité à conserver leur culture malgré la mondialisation, cela se fait également au prix de sacrifices pour certains. En effet, lors de chaque cérémonie, les participants vérifient bien que tous les habitants sont présents, et mettent une pression immense sur les récalcitrants. En cas de mauvaise volonté manifeste, la sanction est claire: le fautif risque l’exclusion de sa caste, donc de son clan. Privé de toute protection, le banni est alors exposé à une mort quasi certaine. Un peu rude pour un paradis sur terre…
Néanmoins, très peu de touristes se rendent compte de ce genre de choses, et ce contentent de profiter de la plage et des massages bon marché. De notre côté, après la mer et la campagne, nous avons passé 2 jours dans les montagnes au nord de l’île, à Munduk. Le deuxième jour, nous avons même grimpé un flanc de montagne avec nos sacs pour passer la nuit une petite maison de bois privée d’électricité. Un petit moment volé au temps!
Enfin, nous sommes retournés à la mer pour une journée, où j’ai eu l’occasion de faire du surf. Cela faisait plus de 13 ans que je n’étais pas monté sur une planche, mais j’ai néanmoins réussi à me lever plusieurs fois. En même temps, entre la plage de sable blanc, les vagues de 1,5m et la température de l’eau (presque un bain), les conditions étaient vraiment idéales!