Pourquoi suis-je parti en Inde? Et pourquoi est-ce le pays où je reste le plus longtemps (15 jours sur 80)? L’Inde est pour ainsi dire l’antithèse de mon genre de beauté. En bon Européen du Nord, j’aime les grands espaces, les couleurs claires, le frais et la propreté. J’ai également horreur des épices, des arnaques genre « Great deal only for you Sir », et des visites de temple. Alors pourquoi se jeter ainsi dans la gueule du loup? Tout simplement parce que l’Inde est à la fois fascinante et incontournable.
Fascinante, cela va de soit. De Marco Polo à Christophe Colon (parti à la recherche des Indes), une grande partie des fantasmes de l’occident y trouvent leur source. Encore aujourd’hui, tous les touristes revenant d’Inde sont catégoriques: soit on adore l’Inde, soit on la déteste. La majorité des Européens ont d’ailleurs un immense choc en y arrivant, et sont souvent très heureux de rentrer chez eux. Lorsque je suis rentré de mon premier voyage en Inde, je me souviens avoir sauté de joie à la vue de la neige qui recouvrait le tarmac de Roissy. C’était comme une libération! Pour d’autres en revanche, l’Inde est plutôt une révélation. Certains occidentaux n’en reviennent jamais, d’autres en reviennent profondément transformés.
Car l’Inde fascine. C’est l’une des plus vieilles civilisations existante, et l’une des plus profondes. L’Inde a au cours des siècles été protégée non seulement par l’immense chaine de l’Himalaya, mais également par son côté spirituel. Alexandre le Grand a ainsi arrêté sa conquête en y arrivant: au contact des populations locales, ses soldats n’avaient plus envie de se battre. Au cours des siècles, de nombreuses armées se sont ainsi désagrégées au fur et à mesure qu’elles s’enfonçaient en Inde, et que les soldats étaient conquis par la façon de vivre des habitants. L’Angleterre a longtemps été protégée par la mer, la Russie par son hiver rigoureux et l’immensité de son territoire, et l’Inde par sa « barrière spirituelle ». Car ici le spirituel est roi. Toutes les grandes religions y sont présentes, des Hindoux aux Musulmans, des Chrétiens aux Bouddhistes, des Sikhs aux Zoroastriens. Il faut dire que la spiritualité semble être partie intégrante des Indiens. Dans l’Hindouisme, la matière est impure et seule l’âme est noble. Le concept de réincarnation est également crucial. Un pauvre pense qu’il souffre aujourd’hui pour expier ses fautes d’une vie antérieure. Dès lors, il aura moins tendance à se rebeller contre sa condition, surtout que ça mettrait en danger sa vie future, et les riches auront moins tendance à le prendre en pitié. De même, le principe des castes pousse à la résignation: les pauvres savent que leur progression sera barrée par les « élus », à savoir les hautes castes. A contrario, les Indiens sont excellents lorsqu’il s’agit de manier les concepts. Ce sont par exemple eux qui ont inventé le zéro. Quelle chose plus abstraite que celle qui n’existe pas? Aujourd’hui ils sont excellents dans tout ce qui touche à l’informatique.
Le parallèle avec les Chinois est d’ailleurs saisissant. Ceux-ci, de culture confucianiste, placent le groupe au dessus de tout. De plus, ce sont des littéraires et des physiciens plus que des mathématiciens: leur littérature est multi-millénaire, et ils ont inventé la poudre et la boussole bien avant les Européens. Dès lors, c’est tout naturellement que les Chinois ont axé leur développement sur l’industrie. C’est une façon de transformer la nature qui leur correspond, et qui permet surtout de donner un travail au plus grand nombre. A l’inverse, les Indiens ont développé une économie de services: programmation informatique, call-centers, dématérialisation de la comptabilité, etc. Le résultat est, bien plus qu’ailleurs, une économie à deux vitesses. Une partie de la population travaille dans des domaines de haute valeur ajoutée, pour des salaires élevées. Cette nouvelle Inde, la « Shining India » comme aiment à la présenter les politiciens indiens, est entrée de plein pied dans la mondialisation. Elle travaille pour des grands groupes dans des bureaux climatisés, consomme des grandes marques et rêve d’une maison dans une résidence privée. De l’autre côté de la barrière, la grande majorité des Indiens vivent encore comme leurs parents. Ils sont pauvres, souvent illettrés (une femme sur deux l’est encore), et vivent de peu de chose. Les paysans doivent se battre sans relâche pour se nourrir, les femmes sont discriminées de façon scandaleuse, et les travailleurs migrants (presque exclusivement des hommes) s’entassent dans les bidonvilles des grandes villes. L’Inde est donc encore clairement un pays du tiers monde. Cependant, comme souvent, la taille compte. L’Inde est connue pour être un grand pays. Sa population, de près de 1,1 milliard d’habitants, correspond à presque 20% de la population mondiale. Autant d’habitant que dans toute l’Union Européenne (à 27) ET aux États Unis, ET au Japon, ET en Russie réunis. Un géant. Un géant aux pieds d’argile, mais un géant dont le réveil (même partiel) ne peut que changer la face du monde. Un géant qui sera sauf accident la troisième puissance mondiale d’ici quelques décennies.
Car l’Inde se réveille. Depuis 1991, le pays s’ouvre, se développe, et se modernise. Tournant le dos à des décennies de socialisme quasi communiste, le ministre des finances de l’époque (et actuel premier ministre) M. Singh a installé l’Inde dans le train du capitalisme. Un train Indien, lent à démarrer, désordonné et bricolé de partout, mais un train qui une fois lancé (8% de croissance annuelle en Inde sur les dernières années) semble là pour durer. Comme un symbole, un exemplaire de The Economist était installé juste devant moi dans le vol m’amenant à Delhi. Sur la couverture, un tigre galopait au dessous d’un titre évocateur: « How India’s growth will outpace China’s »…
thank you Sir, Grreat to read only forrr Us, Sir !
Tu publies ton journal à la fin Baz ?
Tu veux pas écrire un bouquin, ou une petite nouvelle sur la mondialisation et le choc des cultures ?
mon frere! trop bien ton post sur l’inde! sachant que je fais partie des gens qui ont adoré y aller, je suis ravie que ty y retournes pour me raconter comment ca a évolué! alors, tu aimes mieux? j’ai vu les photos de l’hopital, t’étais trop chou, les gens avaient l’air contents de te voir! et tu arrives à bien manger (tu n’aimes pas trop manger indien d’apres mes souvenirs). Rapporte moi la recette des cheese nans!!! Et t’es allé dans la ville des morts ou pas?
Incredibile India ! Beau billet mon vieux. J’attends avec impatience notre première soirée de debrief.
D’ici là, enjoy !
A